Marque employeur : réalité ou fiction pour les entreprises ?
A la fin des années 90, la “marque employeur” avait suscité l’enthousiasme parmi les acteurs des ressources humaines, qui y voyaient l’occasion pour l’entreprise d’embrasser un nouveau territoire d’expression. Ayant pour but de bousculer les codes des process de recrutement traditionnels, le concept de marque employeur fut pourtant relégué au second plan durant les années 2000s.
Aujourd’hui “réveillée” par le digital et en particulier les réseaux sociaux, la marque employeur n’est plus uniquement l’affaire de l’entreprise : ce sont ses collaborateurs qui se l’approprient, en parlent et la vivent au quotidien ! Attardons-nous quelques minutes sur le sujet… 🙂
La marque employeur, une “promesse” corporate
Désignant conventionnellement “l’ensemble des problématiques d’image d’une marque à l’égard de la cible des salariés existants ou potentiels”, la marque employeur s’inscrit au-delà d’un levier en recrutement : elle peut être aujourd’hui aussi bien un facteur de bien-être des collaborateurs (et donc de fidélisation des équipes) qu’un moyen de recruter de nouveaux talents.
Des chiffres qui interpellent… 36% d’entreprises dans le monde déclarent avoir rencontré des difficultés à recruter du personnel. 67% des individus en prise de poste reconnaissent être encore ouverts à de nouvelles opportunités quelques semaines seulement après leur entrée dans l’entreprise. C’est un fait : plus que jamais, les recruteurs et DRH doivent façonner la « proposition de valeur faite aux employés » (PVE) et se soucier du tryptique rémunération attractive – vie sociale d’entreprise – parcours de carrière personnalisé.
Plus concrètement, la marque employeur se positionne au carrefour de 3 domaines qui composent la promesse corporate d’une entreprise et qui impactent sa réputation :
- Sa culture, son ADN et ses valeurs
- Le lieu et l’environnement de travail
- La GPEC (Gestion Prévisionnelle des Emplois et des Compétences)
1 | La culture, les valeurs et l’ADN de l’entreprise
La marque employeur est à la fois un argument de recrutement et un outil d’image. Réussie, elle doit pouvoir incarner et véhiculer l’ADN de l’entreprise au travers de ses réalisations, actions et communications. La marque employeur peut être au final considérée comme le « miroir » des convictions profondes et valeurs qu’incarne l’entreprise. Les messages qu’elle sera amenée à diffuser devront ainsi être en phase avec son positionnement et l’identité de marque qu’elle aura installée.
Michel & Augustin, les trublions français du goût, utilisent régulièrement leur marque employeur dans le cadre d’opérations de communication décalées. Dans le métro parisien, la DRH de la marque, chaleureuse & authentique, tente de “recruter” avec humour.
2 | L’organisation et l’animation du lieu de travail : le « lifestyle d’entreprise »
Loin d’être uniquement une opération de communication, la marque employeur prend corps essentiellement sur le lieu de vie des collaborateurs, et à travers la perception qu’ils en ont. Ce sont bien eux qui, désormais, ont le pouvoir de juger de la sincérité et des bonnes intentions de leur direction.
La vie d’une entreprise ne se résume pas à ses actualités business… elle s’organise aussi autour de l’environnement de travail et des activités proposées à ses collaborateurs. A ce jeu-là, certaines entreprises font figure d’avant-gardistes dans leur secteur car elles ont totalement intégré la nécessité de proposer une “expérience positive” en phase avec leur positionnement, que ce soit envers leurs clients ou leurs équipes.
Citons à cet égard la marque de jus de fruits Innocent et “les choses sympas” qu’elle propose à ses collaborateurs : smoothies à volonté au quotidien, une semaine de vacances offerte pour toute personne volontaire s’investissant dans un projet pour le compte de la Fondation Innocent, une bourse de 1 200€ offerte tous les 3 mois à une personne pour qu’elle puisse accomplir un chouette projet dont elle a toujours rêvé… autant d’avantages qui témoignent de la générosité de la marque et de sa volonté à « choyer » ses équipes.
L’agence de publicité française BETC, elle, a déménagé l’année dernière au sein des Magasins généraux de Pantin, leur offrant un lieu de vie atypique. Entièrement rénovés en bureaux ultra-modernes, amplifiés grâce à une application smartphone aux allures de réseau social interne, ce nouvel espace de vie entre réel et virtuel se veut l’incarnation d’une transformation digitale d’entreprise réussie.
Autre illustration de l’intérêt des entreprises porté à la marque employeur : la PME Natures & Découvertes. Parmi ses quelques initiatives RH, on retiendra l’organisation trois fois par an des journées « Co & Reco » destinées à accompagner la montée en compétences de ses collaborateurs, l’instauration d’une politique de salaire basée sur la méritocratie… Résultat : un turnover de l’ordre de 18% contre 25% en moyenne constaté dans le secteur de la distribution.

Jardins suspendus, salle d’exposition, restaurants et bibliothèque : l’agence BETC multiplie les initiatives pour proposer un lieu de travail ET de vie à ses collaborateurs !
3 | La gestion prévisionnelle des emplois et compétences (GPEC)
L’estime de soi en tant qu’individu au-delà du “salarié” et la soif de projets inspirants – des tendances portées notamment par les millenials – trouvent également leur sens dans un plan de carrière personnalisé, composante de la GPEC. Ainsi, le distributeur de gaz naturel GRDF rencontre ses futurs collaborateurs-ambassadeurs au travers de challenges ouverts aux étudiants et jeunes travailleurs. En misant sur ces challenges open innovation, qui consistent en une réflexion fondée sur le partage, pendant une journée entière, autour de projets de développement, GRDF privilégie un management ouvert de ses équipes… bousculant au passage le schéma traditionnel au profit de la créativité.
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Qui a un rôle à jouer sur la marque employeur ?
Bien que les opérations « RH » initiées par de grands groupes soient nombreuses, la marque employeur ne concerne toutefois pas uniquement cette typologie d’entreprise. C’est aussi l’affaire des PME, TPE et startups ! L’humain reste en effet le capital-clé d’une entreprise, peu importe sa taille… et le pouvoir de la marque employeur tient à sa capacité à gérer ce capital.
“Les deux choses les plus importantes n’apparaissent pas au bilan de l’entreprise : sa réputation et ses hommes” – Henry Ford
Les collaborateurs et les talents
Le profil des postulants a indéniablement changé : plus agiles, plus connectés, plus tournés vers le collaboratif et… plus exigeants. Contrairement aux idées reçues, en termes d’emploi, les candidats actuels n’auraient pas une vision court-termiste, mais attacheraient au contraire de l’importance à des critères relevant des codes du luxe : élitisme, distinction, renommée, qualité, hédonisme, créativité… Selon l’étude “La Grande InvaZion” publiée par la BNP Paribas x The Boson Project, 47% de la génération Z (enfants nés entre 1995 et 2015) souhaitent à terme créer leur propre entreprise : le besoin de reconnaissance et de challenge se retrouve alors au premier plan.
Autre fait important : l’image de l’entreprise ne lui appartient plus totalement pour la simple et bonne raison qu’elle dépend désormais de l’image de chacun de ses collaborateurs ! Présents sur les réseaux sociaux (Facebook, LinkedIn…), ils s’expriment, commentent et représentent la marque de leur entreprise. Les collaborateurs sont donc bel et bien entrés dans le cercle des “ambassadeurs” de l’entreprise.
Les recruteurs
Dans cette “guerre des talents”, le DRH est le premier concerné : au même titre que son entreprise, lui aussi doit adopter une nouvelle posture. Pour développer la marque employeur, il doit être en veille permanente sur les nouvelles tendances, ne pas être réticent à tester de nouveaux outils, penser hors des sentiers battus, prêter attention à la data pour comprendre et attirer de nouveaux candidats… en bref, le DRH doit se repenser comme une personne à l’écoute, empathique et « attentionnée ». Il doit aussi accompagner les collaborateurs dans leur « employee advocacy« , en créant des programmes visant à les aider et les accompagner dans leur communication professionnelle.
Les “responsables du bonheur”
Créé par un salarié de Google, un nouveau métier a été mis sur le devant de la scène en France en 2015 : Chief Happiness Officer. L’objectif ? Séduire et retenir les talents au travers d’une expérience personnalisée feel good, et faciliter l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle. En France, les laboratoires Boiron ont même été pionniers en la matière, puisque la fonction existe depuis 1984. Sophie Magnillat, CHO de l’entreprise, parle d’un travail qui “se fait à tous les niveaux” : restaurant d’entreprise, salle de sport, cours de chant, design intérieur…

Le futur de la marque employeur passera par la création de nouvelles sources d’épanouissement pro/perso pour les collaborateurs.
Comment travailler sa marque employeur ?
Le principal enjeu pour l’entreprise sera d’intégrer à sa marque employeur les défis nés de la digitalisation. Et la structuration de sa marque supposera de faire appel à différents profils : la Direction générale, son département RH, ses collaborateurs, voire les journalistes.
1 | Définir sa marque employeur
Le service RH doit en premier lieu formuler une « proposition de valeur faite aux employés » (PVE) en phase avec la Direction générale. La PVE désigne ainsi l’ensemble des avantages qu’une entreprise s’engage à offrir à ses collaborateurs. Pour faciliter cette démarche d’identification des avantages, il est conseillé en amont d’échanger en profondeur avec ses équipes afin de mieux cerner leurs attentes et besoins. Dans ce cas, deux choix possibles : soit l’entreprise le gère elle-même, soit elle fait appel à des cabinets externes, auprès desquels se livrent parfois plus facilement les personnes interrogées.
2 | Communiquer sa marque employeur vers l’extérieur
Dès lors que la PVE a été définie, il s’agit de la communiquer efficacement auprès des futurs postulants. Pour cela, le site web de l’entreprise et les réseaux sociaux occupent une place de choix. La section “Find Talent” de LinkedIN Premium est ainsi le terrain de jeu favori des DRH, qui peuvent diffuser leurs offres d’emploi et des messages de marque auprès d’une audience très ciblée et captive.
Sur son compte Instagram, General Electrics fait honneur à ses collaborateurs, leurs métiers et à sa culture d’entreprise en racontant de courtes histoires écrites et photographiques.
Cependant, une présence sur les réseaux sociaux professionnels, même maîtrisée, n’est plus suffisante. La seconde clé de l’équation est de miser sur les collaborateurs-ambassadeurs de l’entreprise, au travers de contenus plus authentiques : interviews, articles, vidéos… Welcome to the Jungle a même développé à ce titre une nouvelle offre : agence RH mais aussi société de production, l’entreprise propose aux entreprises de concevoir et réaliser l’ensemble de leurs supports médias et met à leur disposition des outils de gestion des candidats. L’objectif : « offrir la meilleure expérience de recrutement pour les candidats et les recruteurs ».
Autre possibilité, un parcours de recrutement plus interactif : à ce titre, Sephora avait été précurseur en mettant en ligne un quizz en 2007 permettant aux candidats de déterminer si leur personnalité était en adéquation avec l’ADN de l’entreprise. Une solution dont beaucoup se sont inspirés depuis.
3 | Irriguer son organisation avec sa marque employeur
Si elle veut rester crédible, l’entreprise doit tenir ses engagements post-recrutement. Cela passe notamment par ce que nous appelons le « marketing RH » – encore du jargon nous direz-vous 😉 ! Ce marketing RH passera notamment par l’élaboration d’un parcours professionnel personnalisé pour chacun des collaborateurs et une communication sur les activités mises à leur disposition. Au final, l’enjeu pour l’entreprise est de réussir à « montrer » le lieu de vie et d’expression agréable qu’elle offre à ses collaborateurs. C’est la force de la marque employeur qui les motivera à rester… parce qu’ils constateront que la promesse de l’entreprise est réelle et se concrétise. On observe en effet une forte corrélation entre la maîtrise d’une marque employeur par une entreprise et la réduction du turnover : selon d’Eda Gultekin, auteur de « What’s the Value of Your Employment Brand », la marque employeur peut entraîner une réduction du turnover de l’ordre de 28% et diminuer les coûts du recrutement de 50%, qu’il s’agisse de PME ou de grands groupes.
4 | Utiliser des outils au service de la marque employeur
Les réseaux sociaux seront les premiers spectateurs de la naissance de nouveaux outils, toujours plus précis et conversationnels, sous l’influence de la réalité augmentée et l’intelligence artificielle (on pense notamment à Facebook Workplace et Google Home). Un marché déjà existant va lui aussi, fortement se développer : celui des solutions dédiées à la productivité et au collaboratif.
Slack fait déjà figure de proue en la matière. L’application Zest promet de monitorer l’humeur des salariés en temps réel. Sociabble et Ambassador veulent “transformer” les salariés en ambassadeurs d’entreprise. La société bordelaise Libcast veut remplacer dans les années à venir les Powerpoints et Keynote par la vidéo, simple à créer et facile à partager. La liste des solutions est longue et témoigne d’une chose : l’entreprise de demain se définira aussi par sa capacité à générer de l’interaction en interne. La marque employeur sera ainsi directement alimentée par le développement rapide de ces solutions.

Slack, plateforme qui centralise et organise les flux de communication, est considéré comme beaucoup de professionnels comme le futur de l’e-mail d’entreprise.
5 | Mesurer l’impact de sa marque employeur
Il est important pour une entreprise qui travaille de près sa marque employeur d’en apprécier l’efficacité. Différents indicateurs peuvent l’y aider :
- Enquêtes de satisfaction auprès des collaborateurs
- Taux d’acceptation / refus des offres d’emploi
- Turnover
- Commentaires positifs / négatifs des collaborateurs « connectés » (opinions sur les forums, commentaires et notations sur les réseaux sociaux de l’entreprise…)
- Teneur des mentions de l’entreprise parues dans la presse online / offline
Se baser sur ces indicateurs permettra à l’entreprise de favoriser une démarche de « test & learn » (oui, on vous le répète souvent ! ;-)). Une démarche qui consistera ainsi à tester l’appétence de ses collaborateurs pour l’expérience qu’elle propose et à mesurer celle de potentiels nouveaux talents…
Les défis à relever par la marque employeur
Un mot d’ordre : “sécuriser”
Face à la compétitivité des marchés et à la complexité à recruter, petites et grandes entreprises vont tenter d’anticiper et sécuriser au maximum leur recrutement sur du long terme (n’oublions pas que l’humain est le capital clé de l’entreprise !). Tout dirigeant cherche en effet à s’appuyer sur des équipes qui, une fois montées en compétences, se projetteront « loin ». L’investissement initial de l’entreprise sera ainsi payant.
La formation continue des collaborateurs va s’intensifier
En 2016, plus de 2,4 millions de français suivaient des MOOCs, ces cours en ligne ouverts à tous. Face aux évolutions initiées par la digitalisation des entreprises, l’adaptation nécessaire des collaborateurs à ces nouvelles méthodes de travail va conduire naturellement à une augmentation des demandes de formation.
Dans une logique grandissante d’épanouissement intellectuel et d’happiness management, la « journée-type » des collaborateurs va elle aussi évoluer (et cette évolution a bel et bien commencé !). Segmentée entre temps de travail (production) et formation, tout cela sans quitter le bureau, leur quotidien sera rythmé par une recherche d’amélioration des connaissances et de partage.
La marque “consommateur” va s’aligner avec la marque “employeur”
Par souci de cohérence, et du fait de l’importance accrue de la parole des collaborateurs sur le web, les responsables communication vont de fait, être amenés à créer des ponts entre l’image de marque véhiculée auprès des clients et celle construite en interne. Plus concrètement, l’entreprise tiendra sensiblement le même discours sur sa vision, ses valeurs et ses “produits” auprès des consommateurs et des talents (collaborateurs et candidats).
L’enjeu majeur de la marque employeur résidera donc dans sa capacité à intégrer l’ensemble de ces évolutions.
Enfin, reste à rappeler que la marque employeur est tout sauf une simple question de communication… l’emballage que l’entreprise proposera à ses publics est certes, important, mais il ne se suffira pas à lui-même ! Notre conviction est que l’entreprise réussira à construire une marque employeur forte à la seule condition qu’elle adresse tous les pans :
1/ La clarification de son ADN, sa culture et ses valeurs,
2/ L’activation de chantiers en interne pour améliorer la vie de l’entreprise,
3/ La gestion des carrières pour accompagner la montée en compétences.
Et vous, quelle est votre marque employeur ?
- https://www.1min30.com/marketing-rh/pourquoi-il-est-indispensable-de-developper-sa-marque-employeur-128307
- http://www.agnes-duroni.com/marque-employeur-construire-du-vrai-et-de-lutile/
- https://www.parlonsrh.com/marque-employeur-eviter-faux-pas/
- http://www.focusrh.com/recrutement/e-recrutement-sites-emploi/le-drh-face-aux-nouveaux-enjeux-de-marque-employeur-29670.htm
- http://www.leparisien.fr/societe/metier-responsable-du-bonheur-27-01-2017-6624018.php
- http://lepetitjournaldeleconomie.fr/la-marque-employeur-et-les-nouveaux-enjeux-rh/
- http://lentreprise.lexpress.fr/rh-management/recrutement/la-marque-employeur-rate-t-elle-sa-cible_1778261.html
- https://www.parlonsrh.com/marque-employeur-il-etait-une-marque/
- https://revolution-rh.com/marque-employeur-etapes-construire/
- http://lepetitjournaldeleconomie.fr/la-marque-employeur-et-les-nouveaux-enjeux-rh/
- http://universumglobal.com/insights/future-of-employer-branding/